• De même, innauguration de cette rubrique par un ptit texte qui m'est venu tout seul en travaillant ^^ :

     

    Ma malédiction

     

     

     

    J'ai été choisi pour ce métier, ou plutôt cette malédiction...

     

    Cela fait longtemps maintenant, j'ai cessé de compter les années depuis bien longtemps, j'ai cessé de penser, de réfléchir même, cela vaut mieux....

     

    Oui il y à.... tellement longtemps, je suis né dans les années 1650, à l'époque les gens de mon rang se fichaient des dates exactes, seuls comptaient les saisons et les mouvements de la lune pour les récoltes. Et oui ce doit être difficile pour vous d'imaginer que je sois né quelques siècles avant vous, mais je vous rassure, je suis mort aussi quelques siècles avant vous.

     

    Bah je dois avouer que mon enfance n'était pas spécialement triste, voici encore quelque chose qui doit vous dépasser, comment un enfant peut-il être heureux en habitant dans une cabane en bois, sans eau courante, électricité, sans sa télé et sa Gameboy, en mangeant du pain et des pommes de terre à tous les repas, et pourtant je l'étais, oh évidemment je ne jubilais pas, mais je ne demandais rien de plus, même en voyant ces nobles et leurs beaux habits, j'étais heureux quand j'allais simplement pêcher avec mon bambou et mon fil à cent lieues de vos cannes en carbone ultra-légère de 12 mètres de long.

     

    Nous nous levions à l'aube et allions travailler jusque tard, pour nous coucher en même temps que le soleil, mais mes parents me laissaient beaucoup de temps libre, ils disaient « tu auras tout le temps de travailler le restant de ta vie, profite de ta petite enfance », je crois que très peu en ce temps pensaient ainsi, je les aimais, vraiment. Et ils m'aimaient. Telle était ma petite vie tranquille au temps de vos lointains grands-parents.

    Je devait avoir 18 ans quand je l'ai croisé, elle en avait quatre de moins, oui celà peut vous choquer mais à cette époque pas du tout, et puis aujourd'hui  on voit des 50 ans avec des 30...alors pourquoi pas 18 avec 14 ? Elle était si belle déjà à son âge et moi si timide....

    Je l'ai croisé plusieurs fois les jours suivants, toujours incapable de rompre mon silence quand elle me fixait avec son si joli sourire en me croisant, puis un dimanche, mon seul jour de repos, où je pêchait tranquillement dans la petite rivière non loin de notre maison, elle passait là en rentrant chez elle et décida de se poser sur le bord en face. Je devais être rouge comme une tomate sur laquelle on aurait ajouté de la peinture rouge, j'évitais son regard, j'évitais de la fixer bêtement, mais elle elle me fixait, toujours avec son sourire à réveiller les morts. C'est elle qui rompit se long et bête silence de plusieurs minutes en disant juste : «  ça mord ? », je sursautai stupidement, mon pied perdit son appui et je m'étalai de tout mon long dans la rivière, qui ne faisait qu'une cinquantaine de centimètres de profondeur heureusement, je relevai la tête, toujours dans la rivière, elle me regardait intensément  avec un grand sourire et je réussis enfin à dire quelque chose, peut-être parce que je ne pouvais pas avoir l'air plus bête que là, étalé dans l'eau froide, et je dis « oui ça peut aller » en souriant, et elle éclata de rire, et moi aussi, un long fou-rire, qui ne fut que le premier.

     

    Deux ans, oui, deux années auprès d'elle, la fille la plus belle et douce qu'il soit, deux années durant lesquelles j'étais sans aucun doute l'homme le plus heureux de cette foutue planète, je l'aimais tant, elle m'aimait tant, nous nous aimions, et adorions plus que tout au monde, elle était ce que j'avais de plus précieux.

    Nous avions déjà prévu de nous marier deux mois après ses 16 ans et de nous installer dans une petite maison sur les terres de mon père. Tout était si beau, je crois que c'est elle qui faisait ça, elle avait un pouvoir magique je pense, car elle rendait tout beau autour d'elle, tout devenait plaisant, même la messe du dimanche ne m'ennuyait plus à mourir, sûrement parce que je ne regardais qu'elle et ne pensais qu'à notre vie future, nos enfants, notre bonheur, aussi elle avait la capacité de faire sourire, arrêter de pleurer et rendre joyeux n'importe qui juste en lui souriant.

     

    Puis vint ce jour, je me souviens parfaitement, c'est un des rares souvenirs que je suis incapable d'occulter....Ce mardi, un peu avant midi, quelques soldats vinrent par chez nous, chose plutôt rare. Ils venaient chez nous...Le Souverain de notre région avait décidé d'exercer son droit de cuissage ! Avec ma douce ! Nous ne pouvions pas nous y attendre car il n'en avait rien à faire des paysans, mais alors pourquoi ? Comment ? Biensûr je ne les laissai pas faire, mais je n'étais pas de taille face à une dizaine de soldats, et ils partirent avec ma princesse qui pleurait et hurlait, les suppliant de la laisser, me suppliant de la sauver....

    Elle qui était si pure...

    Elle qui était si souriante...

    Elle qui était si aimante...

    Sa besogne finie, son bourreau me la renvoya, cinq jours après, les cinq plus longs jours de ma vie, plus longs que les siècles qui nous séparent....Elle revint, son sourire envolé, ses yeux éteins...Elle refusait que je la prenne simplement dans mes bras, se sentant si sale...déshonorée...

    Et...

    Puis....

    Treize jours après son retour....

    Je travaillais au champ quand j'ai senti mon coeur s'arrêter l'espace de quelques secondes...je savais que c'était elle et je couru plus vite que jamais je n'ai couru, même après dix heure à labourer, mais arrivé à notre maison il était trop tard, son coeur à elle s'était arrêté définitivement...

    Elle était là...

    Inerte...

    Elle avait mit fin à sa souffrance...

     

    A partir ce cette seconde j'ai sombré dans le mutisme.

    Elle était mon joyaux...

    Mon trésor...

    Ma princesse...

    Ma vie...

    Et elle s'était éteinte....Tout ça pour le plaisir d'un vieux crasseux qui mange sa soupe avec une cuillère en argent incrustée de diamants.

    Je n'avais plus qu'une idée en tête, laver son honneur, peu importe le moyen. Je luttait chaque jour,

    chaque heure,

    chaque minute,

    chaque seconde...

    Pour ne pas mettre fin à mes jours dans l'espoir de la rejoindre,pas tout de suite.

    Un voisin de terre avait reçu une bonne somme d'argent pour « service rendu ». Il avait auparavant essuyé plusieurs refus de ma douce face à ses avances. Et là je compris, oui je compris comment ce pouilleux avait rendu service, comment le bourreau de ma bien-aimée avait eu vent de sa beauté et de son innocence...

    Le feu douloureux qui me consumait chaque jour se transforma en brasier de haine, de colère. Envers cet homme qui n'en méritait pas l'appellation, ou peut être qui en était justement le digne représentant....

    Et cette nuit là je me suis relevé, je crois que c'était la colère qui contrôlait mon corps car je ne me souviens pas avoir pris ce hachoir dans le tiroir, ni avoir marché jusqu'à sa maison, je me revois juste devant son cadavre, égorgé, étripé, écorché, sur le sol, baignant dans une marrée rouge, auprès des cadavres tout aussi mutilés de sa femme et de son fils de l'âge de....J'avais épargné son tout petit fils, d'environs quatre années, je voulais qu'il vive vieux, qu'il vive avec cette vision, qu'il porte toute sa vie le fardeau laissé par son géniteur.

    Puis je ma souviens a peine avoir été jusqu'au château, m'y infiltrer fut ridiculement facile, peut-être que le sang qui me recouvrait depuis quelques heures faisait office de camouflage dans cette nuit sombre sans éroiles ni Lune...Je suis arrivé jusqu'à la chambre du Souverain sans encombre, en le voyant ronflant dans son lit entouré de deux femmes toutes deux aussi grasses et dégoûtantes que lui, je ne pu m'empêcher de sourire, devant cet être si pitoyable.

    Le sang gicla.

    Ils n'eurent pas le temps de crier, je leur avait tranché la gorge avant qu'ils ne le sentent, enfin, ils criaient, mais ce qui sortait n'était  qu'un râle gutturale que personne n'entendrait en dehors de cette pièce.

    Une marrée rougeâtre envahi le tapis qui valait certainement plus cher que mes terres, un mélange de sang et de graisse qui me fit vomir. Je quittai le château aussi aisément que j'y étais entré.

    Un orage violent grondait dehors.

    Je n'ai jamais été un mauvais garçon.

    Toujours droit.

    Jamais volé.

    Très peu menti, et jamais à ma belle.

    Très peu de mots de travers.

    J'allais à l'église comme tout le monde.

    Je travaillais...

    Oui, j'étais un bon gars comme disait mon père si fier de moi, un gars bien, jusqu'à cette nuit.

    Je ne suis pas sorti de mon lit ni me suis lavé durant deux jours. Je ne pouvais pas vivre, pas avec ça sur la conscience, et surtout pas sans elle...Le troisième jour je me lavai enfin, et me dirigeai vers la chapelle, sous un orage étonnant de colère, qui semblait exactement le même que cette maudite nuit.

    A la chapelle il n'y avait personne, tant mieux. Je tombai à genoux en pleure devant cette statue d'un homme que nous devions vénérer tel un dieu, tel LE Dieu.... Je suppliais le pardon et surtout la fin de mon tourment, clamant être prêt à tout pour le pardon, pour la revoir, rien qu'une fois....Mais évidemment la statue ne pipa mot, c'était une statut après tout, et malgré les pleures je ris devant ma stupidité, j'étais pitoyable.

    Je repartis en direction de ma maison mais n'y arrivai jamais. Je crois que j'ai été frappé par la foudre. Je me souviens juste d'une voix résonante, puissante, imposante et effrayante et de moi disant « j'accepte ».

    Et me voilà aujourd'hui, toujours là, vous ne me voyez pas, mais pourtant vous m'avez tous déjà croisé. Je me télé porte aux quatre coins du monde. Je ne suis pas le seul, nous sommes des dizaines, peut être des centaines, de maudits...on m'ordonne chaque seconde une tâche différente, un accident, une jeune femme, un funky, une bébé...un vieux monsieur...Je travaille 24 heures par jours tous les jours depuis cet orage où je suis mort, je porte le même habit depuis ces siècles, je ne mange plus, dors plus, bois plus...vis plus...

    Mon métier ?

    Ma malédiction ?

    Mon nom ?

    C'est simple, appelez moi Ankou.

     

    Dav'


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